Impressionnisme: Henri Manguin à l'honneur...
Henri Manguin, La volupté de la couleur
Giverny se pare des couleurs de Saint-Tropez
Saint-Tropez, Le coucher de soleil ( détail ), 1904, de Henri Mauguin
À deux pas de la propriété de Claude Monet, le Musée des impressionnismes expose le solaire Henri Manguin.
Il est l'enfant négligé du fauvisme. Dans les récits contant ce courant de peinture du début du XXe siècle, Henri Manguin (1874-1949) figure en retrait. Loin derrière les Matisse, Derain, Vlaminck et autres Braque. Même ses complices du temps où il usait ses fonds de culottes dans l'atelier de Gustave Moreau, Albert Marquet et Charles Camoin se trouvent logés à meilleure enseigne. Eux viennent de bénéficier de rétrospectives complètes (au Musée d'art moderne de la Ville de Paris pour l'un et au Musée Granet d'Aix-en-Provence pour l'autre).
Dans les salles bleues, jaunes et rouges du Musée des impressionnismes de Giverny, l'exposition Manguin sonne donc comme une première réévaluation. Seulement 90 œuvres, mais peu vues car la production a été achetée par des collectionneurs américains, russes et suisses infiniment plus que par les musées français.
" mimosas en fleurs ", 1907
" Le golfe de Saint-Tropez "
" Sieste " au-dessus de Saint tropez
" Aloès à Cassis ", 1912
" Jeanne à l'ombrelle "
Manguin est un Parisien. Il lui faut l'éblouissement de la côte méditerranéenne
Manguin est un Parisien. Il lui faut l'éblouissement de la côte méditerranéenne. En particulier celui de Saint-Tropez. Ce village n'est encore que le petit paradis à peine découvert par Signac puis Matisse. Manguin y retournera souvent. «C'est le rêve», écrit-il tandis qu'il tire de ce qu'il voit là-bas des libertés chromatiques rares.
" Le mont Ventoux ", 1911
" Le rocking chair ", 1905
( 2 tableaux ) " La baigneuse à Cassis, Jeanne ", 1912
" Le chemin de Ramatuelle "
" Jeanne sur le balcon de la villa Dernière "
Pur style cézannien
Dans La Pinède à Cavalière (1906), les troncs des arbres ne sont pas marron mais orange, violets, verts et bleus tout en restant parfaitement identifiables et justes. La touche y facette dans le plus pur style cézannien. Deux ans plus tôt, dans Saint-Tropez, le coucher de soleil, la mer était déjà non pas bleue mais faite d'un semis de jaune, d'ocre et d'orange. Avec, au premier plan dans l'ombre, du mauve, du vert, du noir…
Comme ces paysages, les nombreux nus sont unanimement arcadiens. Mme Manguin est là, omniprésente. C'est sûr: cette Jeanne qui pose inlassablement a été précocement et longuement aimée. La voilà tout à fait à l'aise en tenue d'Ève, prenant le soleil au pied d'une frondaison. Ou bien, habillée d'une robe rouge, cousant sagement. Apollinaire parlait de volupté. On préciserait volontiers en parlant de sexualité tranquille, ce qui tranche il est vrai avec la virulence de la palette.
" La couseuse, Jeanne à la robe rouge ", 1907
" Jeanne au jardin "
" Saint Tropez, l'ancien bureau du port ", 1927
" Figures sur la plage "
" Les cigales ", la maison de Signac à Saint Tropez,
Ce rêve d'un monde sensuel et azuréen se poursuit à Paris. Dans Les Gravures (prêt du Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid), où une femme habillée tourne les pages d'un recueil d'illustrations pour une autre, nue… Il se lit jusque dans les natures mortes, dont la somptueuse Nature morte aux faisans bleus, proche aussi bien des meilleurs Cézanne que des meilleurs Matisse.
Au centre du parcours, une section réunit quatre des cinq huiles que Manguin a présentées en 1905, dans le cadre du fameux Salon d'automne. C'est en découvrant la salle VII, où elles se trouvaient parmi d'autres tableaux des anciens de l'atelier Moreau, que le critique Louis Vauxcelles parla d'une cage aux fauves. L'expression était lancée, mais le fauvisme était déjà adulte. Parmi ces coloristes orgiaques, Manguin opère une vaste synthèse. On discerne des influences impressionnistes (le dernier Renoir par exemple), postimpressionnistes (Van Gogh, Gauguin, Maurice Denis et les Nabis), pointillistes (Signac, Cross)… On le sent dialoguant d'égal à égal avec un Valtat comme avec un Bonnard. Recherches solaires, formes signifiées par un cerne noir japonisant, et encore et toujours ces gammes pétaradantes…
" Saint-Paul "
" Les osselets, à Cassis "
" La bouquetière ", 1906
" Barques à la Ponche, Saint Tropez "
Ce feu d'artifice a-t-il duré plus longtemps que le départ de Paris, quand, en août 1914, éclate la guerre? Nombreux sont alors les amis peintres mobilisés. Réformé, Manguin accepte, lui, la proposition de Paul Vallotton. Ce marchand d'art, frère du peintre Félix Vallotton, lui a suggéré de mettre sa famille à l'abri. Les Manguin s'installeront à Lausanne. Cette seconde partie de carrière sera l'objet d'une autre exposition prévue dans cette ville du 22 juin au 28 octobre 2018 (Fondation Hermitage). Alors, on saura si Manguin est toujours resté de cette qualité.
Henri Manguin " La volupté de la couleur "
«Manguin, la volupté de la couleur», jusqu'au 5 novembre, au Musée des impressionnismes, 99, rue Claude-Monet, Giverny (27)